La collection d'oeuvres et de mobilier (extrait du rapport d'Elisabeth Dandel)

Tous les objets de la collection forment un ensemble cohérent, témoignant de la curiosité d’esprit de Marc Seguin, de son fils Augustin, et de ses petits-enfants, notamment Marie dite Minette et Rose, filles d’Augustin.

Sculptures, peintures et dessins constituent les pièces maîtresses de la collection artistique. Ce sont principalement des créations d’Augustin Seguin, mais aussi des œuvres d’étude et de création de ses filles. Cet esprit créatif se nourrit de nombreuses études sur le motif, particulièrement au cours de voyages, en Suisse et en Italie notamment : les Seguin ramènent à foison dessins et croquis sur le motif, en album ou sur feuilles volantes réunies par la suite dans un album, ainsi que de petites reproductions en plâtre. L’étude des œuvres d’art se fait aussi par le truchement de modèles en plâtre, que la famille Seguin (Marc, Augustin, les deux ?) acquiert dès leur édition. Une manière de suivre la création contemporaine, les dernières mises au point techniques en matière de reproduction d’œuvres sculptées, et d’être en prise directe avec l’œuvre d’art – célébrée de surcroît.

Ces pièces sont accompagnées des outils et matériel technique de dessin et de sculpture, ainsi que le mobilier conservant les éléments, dans l’atelier, la salle pédagogique et le cabinet de physique. Le décor porté, concentré dans la chapelle et la serre, est important. Enfin, chapelle oblige, la maison conserve un ensemble cohérent d’objets liturgiques : ornements et mobilier cultuel.

Augustin, fin dessinateur, est féru de sculpture. On ne connaît pas précisément sa formation artistique. À Paris, il était en pension à l’Immaculée Conception, institution religieuse rue de Sèvres, où il commence vraisemblablement sa formation. Par son mariage avec Félicie Mangini, il s’installe en 1865 à Lyon, où il se rapproche de l’École des Beaux-arts et se lie à Tony Tollet. Ce peintre mondain, qui s’est fait une clientèle dans la haute société lyonnaise et régionale, excelle dans l’art du portrait. Il peint d’ailleurs en 1897 le portrait de son protégé, qui orne le grand salon de Varagnes. Augustin est trésorier de l’Association des élèves et anciens élèves de l’École des Beaux-arts pendant que Tony Tollet en assure la présidence.

L'atelier d'artiste de Varagnes.

Augustin crée une série consacrée aux quatre saisons, en procédant au modelage – esquisse – de chaque statue, en taille réduite, avant la mise au point à la dimension désirée. Il apprend – où, avec qui ? – les différentes étapes du modelage et de la préparation de moule pour le moulage en plâtre de statues grandeur naturelle. Dans la collection sont conservées une petite dizaine de sculptures en argile (en fait, un mélange argileux et cireux aux propriétés plastiques particulières, donnant l’impression que les modelages datent du matin même), certaines correspondant à des étapes préparatoires avant exécution du moulage. Moulage, car aucune sculpture en taille directe n’existe de la main d’Augustin (voir ses sculptures dans les collections de Varagnes). On trouve aussi les outils utilisés par Augustin (selle, compas) ainsi que des moules divers. Avec ses Saisons, il expose au Salon de printemps de Lyon en 1898, où il obtient un prix. Ses créations – Vierge à l’Enfant, bustes du Christ et de la Vierge, portraits – s’échelonnent jusqu’en 1904.

Augustin suit de près également l’actualité artistique de son époque. Il admire l’École de Nancy et les créations Art nouveau de la fin du siècle. Il achète des chromolithographies de créateurs inspirés de ces courants, telles les peintres Émilie Vouga (1840-1909) et Élisabeth Sonrel (1874-1953). Subjugué par la création de Antoine-Augustin Préault, Le Silence, dont le sculpteur a lui-même tiré onze plâtres, Augustin en acquiert un exemplaire, qui trône dans l’atelier ; cet exemplaire serait le chaînon manquant des plâtres émis par l’artiste, dont neuf sont en collections publiques, et un en mains privées (galerie Perrin).

Décors muraux et bustes, dans la serre (photographie de la fin du XIXe siècle). 

Dans l’atelier plane l’esprit créatif, ludique et gai impulsé par Augustin et ses filles, Marie et Rose. Père et filles écrivaient également des pièces de théâtre, dont ils créaient costumes et décor, depuis leur conception jusqu’à leur réalisation. On les imagine bien chercher à la scierie les planches qui feront le châssis des décors, mesurer, scier, clouter, puis tendre la toile, enfin la peindre à partir de dessins préparatoires. Quatre décors imposants – près de 5 mètres de longueur sur quasi 3 mètres de hauteur – subsistent encore, ainsi que des fragments de décor mural dans la serre, élaborés à partir d’études très précises et de dessins préparatoires dont quelques calques subsistent. Marie et Rose, à l’œil exercé et à la main sûre, suivent les cours de l’école de dessin de Lyon, auprès de Tony Tollet, ami et probablement mentor d’Augustin. Ce dernier, sociétaire en 1893 de la Société lyonnaise des Beaux-arts (Livret officiel du salon, sixième année, 1893), expose régulièrement au Salon de printemps organisé par cette dernière, et s’y fait remarquer. Il obtient une mention honorable de la section sculpture aux sessions de 1897 et 1898 ; il expose en 1900 son Allégorie de l’hiver, qui laisse « une impression réussie ». Au salon de 1904, il présente « trois petits bustes (766, 767, 768), très gracieux et de bonne école. ». Sa fille, Rose Bechetoile-Seguin, présente en 1911 « une amusante étude d’enfant (n° 650) ».

Augustin Seguin n’apporte pas de révolution majeure dans l’expression artistique. Bon élève, il sait tirer parti des contraintes techniques du modelage et du moulage pour créer ses propres œuvres ; observateur attentif, il capte les traits des membres de sa famille, qu’il présente en y introduisant les courbes et contre-courbes de l’Art nouveau. Marie maîtrise dans sa jeunesse le dessin, puis la peinture à l’huile, médium avec lequel elle excelle dans l’art du portrait, ainsi que sa sœur Rose. Marie semble arrêter toute pratique artistique avec son mariage. Rose poursuit son art, et attire les remarques bienveillantes de la critique.

Parmi les peintres lyonnais, la famille connaît également François-Frédéric Grobon (1815-1901), dont elle possède une « Vierge à l’Enfant » magnifiquement encadrée.

Grobon a publié en 1862 un Catalogue de l'agence des beaux-arts fondée le 1er juin 1862 pour la location des tableaux, dessins, esquisses ou études des artistes. MM. les artistes peintres propriétaires de leurs oeuvres, chez Panckoucke à Paris. Est-il probable que Augustin et ses filles connaissaient cet ouvrage ?

Voir la thématique Art (thématique issue de notre référentiel)

Texte d'Elisabeth Dandel, adapté pour l'édition numérique par Thomas Chaineux