L’astronomie chez les Seguin au XIXe siècle et la collection d’instruments de Varagnes (extrait du rapport PATSTEC)

Les instruments d’astronomie de la collection Seguin située à Varagnes, avec le bâtiment de l’observatoire lui-même, sont un témoin exceptionnel de l’astronomie du XIXe siècle, resté relativement inconnu des chercheurs en histoire de l’astronomie à ce jour (Grillot 1986, Boistel 2005, Lamy 2007, Véron 2016).

Si le bâtiment de l’observatoire et son télescope équatorial datent des années 1860-1870, une partie des instruments, rachetés à la fille de l’astronome ardéchois Honoré Flaugergues (1755-1830), remonte au XVIIIe siècle (voir la lunette astronomique de Putois). Marc Seguin est alors ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui un « astronome amateur », bien que la distinction entre scientifiques amateurs et professionnels ne recouvre pas le même sens à l’époque et ne soit justement qu’en cours de constitution (voir Pandora 2016 pour un aperçu du rôle des études sur les « amateurs » dans les renouvellements de l’historiographie des sciences). On peut certes noter une communication à l’Académie des sciences en 1852 avec Victor Mauvais, membre de l’Académie, astronome à l’Observatoire de Paris et membre du Bureau des longitudes, sur le perfectionnement des bains de mercure servant au réglage des instruments d’astronomie de précision. Dans l’ensemble, on ne peut cependant pas dire que Marc Seguin contribue à l’avancée des connaissances astronomiques de son temps. Son œuvre est plus notable dans le domaine de la vulgarisation scientifique, alors en plein essor, et dans laquelle l’astronomie joue un rôle majeur (Bensaude-Vincent et Rasmussen 1997, Vautrin 2018), à travers la revue Cosmos qu’il anime (Redondi 1988).

Les instruments d’astronomie et l’observatoire de Varagnes témoignent donc parfaitement de ce moment de bascule, dans le deuxième tiers du XIXe siècle, où la contribution des astronomes « amateurs », même fortunés, à la science astronomique, devient négligeable face à la montée en puissance des grands instruments au sein d’observatoires qui passent progressivement d’un statut privé à un statut public (La Noë et Soubiran 2011). Il n’y a guère que l’exemple singulier de l’observatoire de Camille Flammarion à Juvisy-sur-Orge qui puisse encore tenter de rivaliser avec les observatoires publics et professionnels dans les années 1880 (Aymard et Mayeur 2016). Le contraste quelques décennies plus tôt avec l’astronome Honoré Flaugergues de Viviers (Ardèche), juge de paix la journée et astronome le soir, dont Marc Seguin rachète la bibliothèque scientifique, les cahiers d’observation et les instruments après sa mort, est frappant (Dumont et Grillot 1989, Gros 2017).

Loin d’être handicapé par ses refus successifs de la direction des observatoires de Marseille, puis de Toulon – largement non équipés –, pour préférer son observatoire personnel, Flaugergues fut pleinement intégré aux réseaux scientifiques des astronomes européens de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. Il devint même célèbre pour sa découverte de la « grande comète de 1811 ». Flaugergues peine pourtant déjà à son époque à contribuer utilement à l’astronomie de position, qui fait alors des progrès considérables dans les grands observatoires, et se rabat sur la recherche de nouvelles comètes ou l’observation des tâches solaires, en raison des limitations techniques de ses instruments et de leur installation, alors même qu’il dispose d’instruments prêtés par le Bureau des longitudes (Bigourdan 1884-1885, Mazon 1896).

Les contributions et le statut scientifique de Marc Seguin, disposant pourtant de moyens probablement plus importants que Flaugergues, seront bien différents. Il complète les instruments de Flaugergues par des achats de fabrication récente auprès des plus célèbres artisans de l’époque, comme Henri-Prudence Gambey (théodolite-répétiteur) ou Wilhelm Eichens (télescope équatorial de type Foucault), qui équipent à la même époque la plupart des grands observatoires (Grillot 1986, Le Guet-Tully et Davoigneau 2005).

Bien qu’ils suivent les innovations techniques du moment, comme avec le télescope de Foucault et son régulateur à ailettes, ses instruments sont cependant de taille modeste pour les nouveaux standards scientifiques de l’astronomie de la deuxième moitié du XIXe siècle (voir King 2003 pour une synthèse de l’histoire technique des télescopes et lunettesastronomiques). Une phrase issue du catalogue 1853 de la maison de fabriquant Lerebours et Secrétan, décrivant une lunette méridienne très similaire à celle de l'observatoire de Varagnes, synthétise bien le positionnement des instruments d’astronomie de Marc Seguin : « ces instruments [...] sont de nature à rendre de grands services dans les observatoires de second ordre où des raisons d’économie ne permettant pas l’acquisition d’appareils de dimensions considérables, on veut toutefois jouir des perfectionnements les plus récents et atteindre une grande exactitude dans les observations » (Lerebours et Secrétan 1853, p. 184-185).

Deux lampes à huiles (dont une de fabrication postérieure à 1837) présentes dans l’observatoire ont pu avoir un usage astronomique et sont classées sous ce thème dans l’inventaire. De même pour l’ensemble de poids, le support à rotule et l’ensemble de pièces d’horloge.

D’autres instruments, localisés dans le cabinet de physique, pouvaient avoir un usage aussi bien astronomique que dans des expérimentations optiques (pour les deux premiers) ou en arpentage et géodésie (pour les deux derniers):

  1. Spectroscope à quatre prismes et ses accessoires, signé « J. Duboscq à Paris » (fabrication estimée 1859-1883).
  2. Héliostat de Silbermann et sa boite d’accessoires, signé « J. Duboscq . Paris / N°147 » (fabrication estimée 1849-1883).
  3. Cercle répétiteur de Gambey, signé « Gambey à Paris » (fabrication estimée 1809-1851).
  4. Cercle de réflexion de Borda, signé « N°41 Gambey à Paris » (fabrication estimée 1809-1851).

Les observations méridiennes

Une partie notable des instruments et activités astronomiques de Marc Seguin se rapportent à des observations méridiennes. On peut rappeler brièvement en quoi elles consistent et quels instruments elles appellent (Le Guet-Tully et Davoigneau 2005). Activité principale de l’astronomie de position, encore de nos jours, il s’agit de déterminer nuits après nuits, avec la plus grande précision, les coordonnées célestes d’une série d’étoiles de référence. Pour cela, on prend comme repère le plan du méridien local (qui relie le zénith et les points cardinaux Nord et Sud), et l’observateur note l’instant précis de passage de l’étoile au méridien (« culmination ») ainsi que sa hauteur sur l’horizon. Ces observations nécessitent la coordination de quatre grands types d’instruments, que l’on retrouve à Varagnes :

  1. Une lunette méridienne, conçue de façon à rester dans le plan méridien et munie généralement, au XIXe siècle, d’un micromètre à fils, qui permet d’obtenir une précision micrométrique sur le passage de l’étoile visée. Ce type d'instrument est présent à Varagnes. L’oculaire ainsi que le micromètre sont absents de la lunette, bien qu’il reste un châssis vide fixé à la lunette permettant le déplacement latéral d’un micromètre. Un micromètre à fils est en revanche présent dans la boite d’accessoires astronomiques (son adaptation à la lunette méridienne reste néanmoins à vérifier). La lunette méridienne fixe devant être conservée à l’abri et rigoureusement alignée sur le méridien, son installation nécessite une architecture très particulière, qu’on retrouve bien à Varagnes : ouverture méridienne du toit, ici par une série de trappes, et fixation de la lunette sur des piliers en pierre indépendants du reste du bâtiment. Marchal et Seguin (1957) parlent d’une « méridienne de Ramsden » installée dans l’observatoire de Varagnes (p. 114), mais rien ne vient corroborer un lien entre cette méridienne non signée et le célèbre fabricant Jesse Ramsden.
  2. Des instruments divers servant à régler la lunette et à étalonner les déviations systématiques dans les mesures dues aux défauts inévitables d’orientation. Un bain de mercure était ainsi souvent placé sous la lunette, servant d’ « horizon artificiel » afin de vérifier le bon alignement de la lunette avec la verticale par auto-collimation. On retrouve une telle installation à Varagnes, accessible via une trappe dédiée située entre ses deux piliers. Une mire située au nord ou au sud de la lunette dans le paysage étant souvent installée afin de vérifier l’alignement azimutal. On en n’a pas identifié à Varagnes, mais un curieux support en marbre situé à quelques mètres de la lunette aurait pu servir à cette même fin en lieu et place d’une mire lointaine. Son utilisation reste incertaine, mais il servait manifestement de support à la fois stable et ajustable pour un instrument pouvant donner la verticale grâce à une ouverture circulaire pratiquée dans le socle, située précisément dans l’alignement de la lunette, et donnant accès au même bain de mercure en-dessous.
  3. Un grand cercle divisé placé également dans le plan méridien, afin de mesurer la hauteur angulaire sur l’horizon de l’étoile au passage. Ces cercles étaient initialement fixés à un mur à proximité de la lunette, et deviennent joints aux lunettes méridiennes dans le courant du XIXe siècle (l’ensemble constituant ainsi un instrument ou cercle méridien). Un petit cercle d’appoint est solidaire de la lunette méridienne de Varagnes, mais manque probablement de précision pour les standards d’observations méridiennes de l’époque. Une entaille en arc-de-cercle creusée côté intérieur dans le pilier ouest semble destiné à accueillir un cercle méridien mural d'environ 80 cm de diamètre. Aucun instrument correspondant n’a cependant été identifié. On peut rapprocher en revanche une note manuscrite ancienne sur feuille volante retrouvée dans le cabinet de physique : « Cercle murale [sic] (environ 18[5?]0) de l'observatoire astronomique de Marc Seguin pour les mesures des hauteurs de passage des étoiles au méridien / Grand cercle divisé par Gambey »; cette feuille - dont l'auteur n'est pas identifié - accompagne le Cercle répétiteur, mais ne fait probablement pas référence à cet objet. Notons que Marc Seguin cite dans les années 1848-1851 un « cercle fixe » qu’il aurait utilisé à Fontenay pour des observations méridiennes (voir plus bas), probablement avec la même lunette méridienne. S’agit-il du même instrument, et si oui qu’en est-il advenu ?
  4. Une pendule sidérale (parfois nommée « régulateur horaire »), pour noter le temps de passage de l’étoile à la seconde près. Il s’agit d’une pendule classique, mais de grandes précision et régularité, et dont l’astronome règle la marche sur le temps sidéral local. Elle est généralement placée à portée de vue depuis la lunette méridienne, et ne comporte souvent pas de sonnerie. Celle de Varagnes est placée idéalement, sur le mur ouest, à proximité immédiate de la lunette, mais ne permettait probablement pas la précision et la régularité nécessaire (notons qu’elle comporte une sonnerie, et que son balancier est court et ne possède pas de système de compensation de la dilatation thermique). Marchal et Seguin (1957) indiquent que « l’observatoire astronomique [... de Varagnes] possède encore [...] deux régulateurs horaires de Winnerl et de Berthoud » (p. 114). Ces dernières, signées par des constructeurs réputés, sont bien identifiées dans les archives (voir plus bas). Elles ne correspondent pas à la pendule actuelle, et n’ont été retrouvées nulle part à Varagnes. Si elles étaient bien présentes dans l’observatoire dans les années 1950, auraient-elles été emportées depuis ? Leur présence aurait rendu la pendule actuelle inutile, ce qui ouvre donc de nombreuses questions sur sa propre origine.

Les observatoires de Marc Seguin

Varagnes est le troisième lieu où Marc Seguin installe un observatoire personnel. Il est intéressant de confronter les sources relatives à ces différents observatoires, dans la mesure où Varagnes bénéficie de l’expérience acquise précédemment par Seguin. De plus, au moins une partie des instruments actuellement conservés à Varagnes l’ont suivi de façon certaine dans ces différents déménagements, alors qu’à l’inverse, d’autres instruments mentionnés par les sources n’ont pas été retrouvés à Varagnes, posant la question de leur sort.

L’Abbaye de Fontenay et les instruments de Flaugergues

Marc Seguin s’installe à l’abbaye de Fontenay en 1838. D’après André (2003), il fait « aménager un observatoire astronomique au-dessus de l’enfermerie [bâtiment du XVIe siècle, dont on connait le nom par une inscription, mais dont la fonction initiale reste obscure (peut-être une prison)] qu’il équipe des instruments achetés aux meilleurs fabricants parisiens. » (p. 69). C’est semble-t-il sur le toit-terrasse du bâtiment qu’il installe ses instruments : « Des tourelles d’angle ont été montées sur les vestiges de l’ancien réfectoire [attenant à l’enfermerie, dont il ne subsiste que le mur mitoyen, à l’avant-plan sur la fig. 1] et le toit en terrasse a été aménagé pour recevoir les instruments d’astronomie nécessaires aux travaux scientifiques du savant » (p. 87). Cette terrasse et les aménagements qu’elle a éventuellement pu contenir sont aujourd’hui disparus, remplacés par une toiture triangulaire, construite d’après André dans les années 1860 (p. 97) , dans le contexte des premières tentatives de restauration des différents bâtiments monastiques (l’abbaye est classée Monument historique en 1852). Au moins une photographie subsiste dans les archives conservées à Fontenay qui nous donne un aperçu du lieu (voir fig. 1).

Fig. 1: Toit-terrasse de l'enfermerie de Fontenay aménagé en observatoire, v. 1860, archives Aynard, de Fontenay (tiré d’André 2003, p. 87)
Figure 1: Toit-terrasse de l'enfermerie de Fontenay aménagé en observatoire, v. 1860, archives Aynard de Fontenay (tiré d’André 2003 p. 87)

Dans la communication de 1852 à l’Académie des sciences déjà citée, l’astronome Victor Mauvais raconte sa visite du « petit observatoire » de Fontenay, et les problèmes rencontrés par Seguin : « les trépidations produites par les cylindres de son usine de papeterie [installée à proximité immédiate de l’abbaye] étaient telles, que les étoiles paraissaient agitées dans le champ des lunettes » (Mauvais et Seguin 1852, p. 503). Ils procèdent à des essais d’installation de bains de mercure minimisant ces vibrations.

Dans les archives de Varagnes, récemment classées archives historiques, est conservé un cahier manuscrit de Marc Seguin, pré-imprimé pour faciliter la tenue d’observations méridiennes, couvrant sa période d’activité à Fontenay à partir de 1848. Ce cahier comprend plusieurs années d’observations régulières, de notes, de schémas, de brouillons de calculs, qui suivent l’apprentissage de l’astronomie d’observation en autodidacte par Marc Seguin. On l’y voit explorer les capacités de ses instruments et leur utilisation fine. L’exploitation approfondie de ce document extrêmement riche permettrait de retracer précisément l’utilisation quotidienne des instruments d’astronomie, leurs adaptations et remplacements successifs, et d’identifier matériellement les instruments mentionnés. Ce document n’a pu qu’être survolé à ce stade. Des informations tirées à titre préliminaire concernant les instruments d’observation utilisés sont fournies plus loin. Notons ici que Seguin y mentionne, le 20 décembre 1850, une « coupole pour l’équatorial » qu’il juge « incommode à cause de la trop petite ouverture du zénith ». La construction ultérieure des deux coupoles de Varagnes a certainement bénéficié de cette première expérience. Il mentionne également une « mire » pour ses observations méridiennes. Une telle mire est couramment installée aux abords d’un observatoire destiné à des observations méridiennes, sur le méridien local de l’observatoire (voir Le Guet-Tully et Davoigneau 2005). Un pilier maçonné, aujourd’hui sous le couvert végétal, se trouve en effet à environ 700m au sud de l’abbaye, sur le flanc ouest de la combe Prieur. Une telle mire n’a pas été identifiée à Varagnes.

Une partie des instruments utilisés par Seguin à Fontenay sont bien connus. Il s’agit des instruments de Flaugergues, décédé en 1830, qu’il rachète en 1837 à la fille de ce dernier, décrits de façon détaillée par Bigourdan (1884-1885). Mazon donne un aperçu du parcours des instruments, achetés en même temps que les cahiers d’observations et la bibliothèque de l’astronome ardéchois :

ces registres, avec la bibliothèque et les instruments de l’astronome de Viviers, furent acquis en 1837 par M. Marc Seguin, qui les fit transporter à Annonay. Ils restèrent plus de quarante-cinq ans dans les archives de la famille Seguin, généralement inconnus des astronomes, bien qu’en 1861, un astronome allemand, R. Wolff, qui les avait vus à Montbar [sic], eût publié un relevé des observations qu’ils contiennent de taches solaires. Finalement, au mois d’août 1883, M. Tisserand, délégué à Annonay pour représenter l’Observatoire à l’inauguration du monument des frères Montgolfier, les aperçut dans la bibliothèque de M. Augustin Seguin, et celui-ci s’empressa alors d’en faire don à l’Observatoire de Paris.

Mazon 1896, p.108

Le transfert à Annonay en 1837 est cohérent avec une installation à l’abbaye de Fontenay en 1838. Montbard (graphie actuelle) est la ville la plus proche de l’abbaye de Fontenay (aujourd’hui située sur le territoire du petit village de Marmagne), et servait habituellement à désigner le lieu de l’abbaye, où Seguin a pu accueillir Wolff avant son départ pour Varagnes en 1859. La « bibliothèque de M. Augustin Seguin » désigne enfin la bibliothèque de Varagnes, qui est géré après le décès de Marc Seguin par son fils Augustin (1841-1904). Les archives en question qui accompagnaient les instruments de Flaugergues sont en effet toujours conservées à l’Observatoire de Paris, alors que les instruments qui avaient servi à les produire ont eux été oubliés entre temps.

Au moins un instrument acheté de Flaugergues a été identifié d’une façon certaine à Varagnes : il s’agit de la « lunette achromatique à deux verres » signée Putois, acquise par Flaugergues en 1798, de 110 cm de long et 7 cm d’ouverture, dont Bigourdan (1884-1885) nous dit que Flaugergues « [l’]employa souvent par la suite » (vol. II, p. 156). Peut-être a-t-elle servi, parmi les divers instruments de ce dernier, à observer la fameuse « comète impériale » de 1811 que Flaugergues est le premier à identifier. Visible durant 9 mois à l’œil nu, décrite par Tolstoï dans Guerre et Paix, elle marquera l’Europe de l’époque. Son fabricant est certainement Étienne Antoine Putois (1753-1828), installé quai de l’Horloge à Paris vers 1785, ce qui permet de dater la fabrication de la lunette assez précisément entre 1785 et 1798.

Putois fait partie des opticiens français de la deuxième moitié du XVIIIe siècle qui s’efforcent d’imiter les innovations venues d’Angleterre, en particulier les « doublets achromatiques » de John Dollond, composés de deux lentilles de verres différents (crown et flint, d’où l’expression « à deux verres »), qui permettent de réduire les aberrations chromatiques qui limitaient alors considérablement les instruments à réfraction. C’est grâce à ces doublets (puis triplets ensuite) achromatiques que les lunettes prendront le pas pendant un siècle sur les instruments à réflexion (télescopes au sens strict), rattrapées ensuite par l’invention des télescopes à miroir en verre argenté (de conception Foucault notamment, comme celui installé dans la coupole de l'observatoire de Varagnes). Jean Baptiste Grateloup (1735-1817) présente en 1787 devant l’Académie des sciences un nouveau procédé, mis au point avec Putois, de collage de ces doublets à l’aide d’une résine de térébenthine, procédé pour lequel ils obtiennent un prix de l’Académie (Grateloup 1788). Peut-être la lunette de Flauguerges de Varagnes a-t-elle été conçue selon ce procédé.

Dans les instruments de Flaugergues achetés par Seguin, on note également « un [instrument] équatorial fait en 1787 par Hautpoix » (Bigourdan 1884-1885, vol. II, p. 156), constitué d’une lunette de 45 cm de long et 5,5 cm d’ouverture montée de façon équatoriale (on dit aussi à l’époque « parallatique ») sur deux cercles divisés de 8 cm de rayon. Seguin mentionne à de nombreuses reprises cet « équatorial de Flaugergues » dans ses notes. Son absence à Varagnes est particulièrement notable, d’autant qu’il semble attesté qu’il fut déplacé à Annonay en 1851 (voir section suivante).

Détour par Annonay

En juin 1851, Marc Seguin aménage à Annonay un second observatoire « succursale », dont l’emplacement exact n’est pas identifié à ce jour. Il indique au 6 juin 1851, dans son cahier d’observations méridiennes de Fontenay, qu’il part pour Annonay afin « d’établir un petit observatoire dans un local que je n’ai point encore choisi ni désigné mais que [je] chercherai à mon arrivée ». Cet aménagement, et le transfert d’un certain nombre d’instruments, sont décrits à la fois dans le cahier pré-cité, qui semble être resté à Fontenay jusqu’à son transfert final à Varagnes, et un second manuscrit intitulé Annonay : Succursale de mon observatoire de Fontenay 1851. Ce second manuscrit semble être resté à Annonay au moins jusqu’en 1853, avant d’être emmené également à Varagnes. Il y décrit ainsi son installation, qui semble sommaire :

Je me suis mis immédiatement après mon arrivée à construire un observatoire provisoire dans la galerie ?partie à droite au niveau des appartements au-dessus de la chambre de ma femme. / Le 20 juin j’ai pu commencer à y placer mes instruments. Je suis allé prendre l’heure à Marseille le 25 juin et ai causé deux heures à l’observatoire avec monsieur Valz. J’ai rapporté l’heure ici le 29 mais je n’ai pu en faire usage parce que ma pendule s’est arrêtée. Je l’ai changée contre une autre le premier juillet.

Seguin semble avoir fait divers allers-retours entre Annonay et Fontenay, en fonction d’évènements astronomiques l’intéressant, pendant plusieurs années. Entre 1859 et 1861, il s’installe définitivement à Varagnes, et abandonne totalement ses résidences de Fontenay et d’Annonay. Les deux cahiers manuscrits mentionnés ayant été finalement tous deux rapatriés à Varagnes, on peut supposer que l’essentiel des instruments encore en utilisation à Fontenay comme à Annonay à cette époque furent également réunis à Varagnes, ceci n’excluant pas l’abandon d’instruments remplacés ou jugés inutiles dans l’intervalle.

Figure 2: Lunette méridienne, modèle portatif, de Lerebours et Secrétan (1853, p. 185).

Dans le cahier d’Annonay, Seguin liste précisément les instruments amenés de Fontenay, y compris l’« équatorial de Flaugergues » déjà mentionné, dont la destinée ultérieure est inconnue. En revanche, deux instruments conservés jusqu’à aujourd’hui ont pu être identifiés dans cette liste comme ayant suivi ce trajet de Fontenay à Annonay puis à Varagnes. L’un est un « cercle à la mer répétiteur de Borda de 0,25 cm [de] diamètre », qui correspond très probablement au cercle de réflexion de Borda de l'atelier de physique; « cercle à la mer » apparaît en effet être une formulation alternative à l’expression plus connue de « cercle hydrographique », synonyme de cercle de réflexion . L’autre est la « lunette méridienne 82 centimètres de long, 0,64 [d’]ouverture [...] montée sur un support mobile et tournant provenant de M. Basche », qui est certainement la lunette méridienne de l'observatoire, de dimensions identiques.

Les dimensions modestes et le modèle de cette dernière contrastent avec le soin apporté à son installation à Varagnes (présence d’un cercle divisé de petite taille intégré à l’instrument d’un seul côté, alors que les instruments ou cercles méridiens combinent généralement deux grands cercles placés symétriquement pour des raisons d’équilibre et de précision des mesures). La lunette s’apparente en fait un modèle dit portatif, ou de mission, conçu à l’origine pour des campagnes d’observations et non une installation fixe (voir fig. 2, modèle tout à fait similaire, le pied et les contrepoids en moins). La mention d’un « support mobile et tournant » accompagnant initialement la lunette expliquerait alors son caractère composite : le support mobile de la lunette aurait alors été éliminé par Seguin lors de la construction de son nouvel observatoire à Varagnes, au profit d’une installation fixe de sa conception sur deux piliers en pierre, afin de rapprocher la lunette, initialement portative, d’un véritable cercle méridien, tel qu’on pouvait en trouver à la même époque dans les grands observatoires. La présence d’un espace creusé dans le pilier ouest destiné manifestement à accueillir un grand cercle mural, pourtant introuvable, pointe également vers une telle nature composite et « prototype » de l’instrument actuel.

Figure 3: Schéma de l'observatoire d'Annonay par Marc Seguin, fonds Seguin de Varagnes, A24/3, 16 août 1851. On distingue la ligne méridienne passant par une « fenêtre au nord », et au centre la lunette sur son support.

À noter qu’un schéma produit sur le cahier de Fontenay nous donne un aperçu de l’installation de la lunette méridienne dans l’observatoire « succursale » d’Annonay, en 1851 (voir figure 3). Le M. Basche ayant vendu cette lunette méridienne à Seguin n’a pas été identifié. Il est également cité dans le même cahier d’Annonay pour avoir vendu à Seguin « le pendule de Ferdinand Berthoud », abondamment mentionné dans ses notes, qui fut apporté de Fontenay à Annonay en 1852; il s’agit probablement du même objet que le « régulateur horaire » cité par Marchal et Seguin (1957) qui, à les en croire, se trouvait alors dans l’observatoire de Varagnes.

Réunion à Varagnes

D’autres instruments ont dû être transférés directement de Fontenay à Varagnes, sans qu’une liste précise n’ait pu être identifiée à ce stade. Elle pourrait probablement être reconstruite à partir de l’étude du cahier A24/3 tenu à Fontenay. Notons néanmoins qu’il y mentionne régulièrement, dès 1849, un « cercle de Gambey » utilisé pour les « observations extra-méridiennes » – il ne s’agit donc pas d’un instrument mural, et il semble bien distinct du « cercle fixe » déjà évoqué plus haut. Il pourrait s’agit du théodolite répétiteur à deux lunettes ou de SEGUIN-0128 ou du cercle répétiteur de Gambey.

L’apport principal au nouvel observatoire de Varagnes, du point de vue des instruments, est enfin le télescope de type Foucault de 140 cm de focale à miroir en verre argenté de 20 cm de diamètre, et sa monture équatoriale à l’allemande, signée en 1873 de Wilhelm Eichens, constructeur mécanicien favori de Léon Foucault (1819-1868) (voir Tobin 2016, 2002, ainsi que les synthèses pédagogiques de l'Observatoire de Paris sur les téléscopes de Foucault et les régulateurs). Cette monture à mouvement entrainé par un système de poids est munie d’un régulateur de Foucault à ailettes, probablement du même type que le régulateur inventé par Foucault et présenté à l’Exposition universelle de 1867, dont la réalisation valut à Eichens un grand prix.

Notons que Foucault, décédé en 1868, n’a pas nécessairement supervisé la construction du télescope ni même du miroir (pas de signature notée). Il s’agit en revanche d’un télescope du type mis au point par le célèbre physicien entre 1856 et 1859, et construit par l’un de ses plus proches collaborateurs. Étonnamment, ce même exemplaire a fait l’objet d’une gravure publiée dans l’ouvrage des astronomes André et Rayet (1874) consacré aux observatoires d’Écosse, d’Irlande et des colonies anglaises, sans lien réel avec le texte, si ce n’est la mention d’Eichens (voir fig. 4). D’après Tobin (2016), qui n’a eu connaissance de cet instrument que par cette gravure, le miroir pourrait avoir été fabriqué par Adolphe Martin (1824-1896), opticien élève de Foucault qui l’initia à ses secrets de fabrication des miroirs en verre. Il fabriqua en effet plusieurs miroirs pour les télescopes construits par Eichens après la mort de Foucault.

Notons enfin que Marc Seguin, âgé de 87 ans en 1873 et à deux ans de son décès, n’a probablement pas eu beaucoup d’opportunités d’utiliser lui-même ce télescope, dont il avait certainement supervisé la commande et l’installation. À ce titre, un colis de renvois coudés conservé dans l’observatoire de Varagnes, aux couleurs de la maison W. Eichens et portant l’inscription « L. Seguin à Varagnes », semble avoir été adressé à Louis Seguin (1846-1918), dit « l’Abbé », fils de Marc, qui vécu à Varagnes. Peut-être aurait-il ainsi été le principal utilisateur du télescope, et l’utilisateur principal des instruments d’astronomie après le décès de son père.

Quelques instruments apparentés

L’escabeau d’astronome est un objet qu’on retrouve logiquement dans les observatoires historiques, comme à l’observatoire de Besançon. Il est souvent muni de marches pivotantes pouvant former alternativement un dossier en fonction de la hauteur d’assise souhaitée, ce qui n’est pas le cas de celui de Varagnes (en contrepartie les marches sont toutes échancrées et leur bord est rembourré). On peut noter l’escabeau de la lunette principale de l’observatoire de Camille Flammarion à Juvisy-sur-Orge, déjà mentionné, classé monument historique avec l’ensemble de la collection d’instruments scientifiques de l’observatoire, propriété de la Société astronomique de France.

La lunette méridienne de l'observatoire de Varagnes, que l’on peut dater d’avant 1851, semble antérieure à la généralisation en France, dans les années 1870-1880, des instruments, ou cercles, méridiens, qui combinent la lunette méridienne avec, classiquement, deux grands cercles divisés placés de façon symétrique sur l’axe de rotation. Ces instruments ou cercles méridiens, beaucoup étudiés, et que l’on trouve dans la plupart des grands observatoires historiques, sont déjà tous pour l’essentiel inscrits ou classés aux Monuments historiques (Le Guet-Tully et Davoigneau 2005). Les lunettes méridiennes simples, antérieures et de plus petite taille, semblent moins représentées, bien qu’on puisse citer celle de Lennel de l’observatoire de Marseille, datée de 1772 et assez semblable à la lunette Seguin (voir également la page 27 du catalogue d'exposition Telescopium). Les modèles les plus proches de la lunette de Varagnes sont cependant les modèles dits portatifs ou de mission, dont on trouve des exemplaires conservés à l’Observatoire de Paris (inv. n°M-253, inv. n°M-247, inv. n°M-248), ou à l’observatoire populaire de Rouen (Grillot 1986, p. 279-280), tous datés de la deuxième moitié du XIXe siècle. Ces modèles portatifs semblent se faire connaître plutôt dans les années 1860 d’après Soulu (2021), ce qui ferait de la lunette Seguin un exemplaire relativement précoce. Sa spécificité est cependant son absence de signature, et le fait que l’instrument ait été adapté, en le séparant de son support mobile, pour être accueilli à Varagnes sur une installation fixe dédiée.

L’université de Montpellier possède un télescope de Foucault fabriqué par Eichens qui semble en tout point similaire à celui de Varagnes. Daté de 1877, soit quatre ans après l’exemplaire Seguin, il provient de l’ancien observatoire de Montpellier. Il a été classé aux Monuments historiques. L’observatoire de la Côte d’Azur possède par ailleurs un mouvement pour télescope à régulateur de Foucault à ailettes, signé par Eichens, de façon analogue à celui du télescope Seguin, mais daté de 1883.

De nombreux instruments comparables aux deux instruments de Gambey – le cercle répétiteur et le théodolite-répétiteur – présents dans les collections de lycées ou d’établissements d’enseignement supérieur ou de recherche, sont déjà inscrits ou classés au titre des monuments historiques. Citons le « grand théodolite de Gambey » de l’université de Montpellier, le théodolite-répétiteur de Pixii du lycée Carnot de Dijon, le cercle répétiteur de Bianchi de l’observatoire Midi-Pyrénées, ou encore les instruments de l’observatoire de Marseille : le cercle répétiteur de Richer, les théodolites d’Eichens et « de Gambey » (fabriqué par Lorieux), mais aussi le cercle répétiteur de Gambey, très similaire à celui de Varagnes, non inscrit ni classé. Également non inscrit ni classé, le cercle répétiteur « de Gambey » de l’ancien observatoire de Dijon, aujourd’hui dans les collections de l’université de Bourgogne (inv. n°UB.ST.PHY.152), semble en tous points identique à l’objet possédé par les Seguin, la signature de Gambey en moins.

On trouve un héliostat de Silbermann signé J. Duboscq, en tout point similaire à celui de Varagnes (numéroté 147 par Duboscq), dans les collections de l’université de Montpellier (exemplaire numéroté 184), de l’université de Bourgogne (inv. n°UB.ST.PHY.127, exemplaire numéroté 155), de l’université de Franche-Comté (inv. n°UFC.FEMTO.ST.0145 ; exemplaire numéroté 114), ou de l’École Polytechnique (voir également sur le site de l'École Polytechnique), ce dernier étant classé depuis 2003.

Le spectroscope à prisme fabriqué par Pellin du lycée Carnot de Dijon (voir également sur leur site), classé aux Monuments historiques, est comparable à l’objet ayant appartenu aux Seguin et ses accessoires, bien que de facture plus simple (un seul prisme au lieu de quatre, ce qui réduit la résolution spectrale) et plus récente (Philibert Pellin succède à Jules Duboscq en 1886). Le spectroscope à quatre prismes signé J. Duboscq, de l’observatoire de Besançon, est pour sa part tout à fait similaire (à l'exception du disque présent à l’extrémité du collimateur de spectroscope de Varagnes, et absent sur celui de Besançon).

Repères biographiques

Henri Prudence GAMBEY (1787-1847)

Gambey est l’un des fabricants d’instruments de précision les plus renommés du XIXe siècle. Né à Troyes dans une famille d’horlogers, il travaille pour plusieurs ateliers parisiens de fabricants d’instruments, dont celui du célèbre Étienne Lenoir, avant d’ouvrir son propre atelier en 1809. Ses productions acquièrent une grande réputation auprès des astronomes du Bureau des longitudes à partir de 1817. Il est décoré de la Légion d’honneur en 1827, et entre au Bureau des longitudes en 1831. Chose rare pour un artisan, il est élu à l’Académie des sciences en 1837. À sa mort, sa femme poursuit l’activité de l’atelier Gambey jusqu’en 1855, après avoir reçu une médaille lors de l’Exposition universelle de la même année.

Honoré FLAUGERGUES (1755-1830)

Né à Viviers, petite ville d’Ardèche, il ne quittera pratiquement pas l’Ardèche, ni même Viviers, de sa vie. Juge de paix de profession, il s’adonne à des observations météorologiques régulières à partir de 1778, puis à des observations astronomiques à partir de 1782. En 1786, il se fait construire un observatoire personnel à Viviers, qu’il équipe sur ses propres deniers, mais également d’instruments prêtés par le Bureau des longitudes. Il se construit lui-même un chercheur de comètes (lunette à grand angle adaptée au parcours de grands secteurs du ciel). Il est nommé associé non résident de l’Institut en 1796. Astronome amateur par excellence à l’époque des débuts de la professionnalisation des sciences, il refuse d’être nommé, successivement, dans les observatoires nationaux de Toulon (1796), Sète (1798), Toulouse (1800 et à nouveau en 1806), et Marseille (1810), ainsi qu’au poste de secrétaire de l’Observatoire de Paris (1804). Se spécialisant dans l’étude des tâches solaires et des comètes, il correspond avec tous les grands astronomes d’Europe. Le 25 mars 1811, il est le premier à identifier la comète C/1811 F1, l’une des comètes les plus impressionnantes de l’histoire, visible durant neuf mois à l’œil nu, qui marque ses contemporains sur tous les continents. Puisqu’il ne sort pas de Viviers, les plus grands astronomes viennent lui rendre visite, comme Lalande, Zach, ou John Herschel le 29 septembre 1826. En 1973, son nom est donné à un cratère martien par l’Union astronomique internationale.

F. Wilhelm EICHENS (1818-1884)

Né à Berlin, Wilhelm, francisé plus tard en Guillaume, émigre à Paris où il travaille comme mécanicien pour le fabricant d’instruments Secrétan, opticien officiel de l’Observatoire de Paris. Eichens devient chef d’atelier chez Secrétan, est naturalisé français, et fait chevalier de la Légion d’honneur en 1862. Il ouvre son propre atelier en 1866, tout en continuant à collaborer occasionnellement avec la société Secrétan. Que ce soit pour Secrétan ou en son nom propre, il conçoit les montures de la plupart des télescopes de Foucault. Il reçoit un grand prix à l’Exposition universelle de 1867, et entre au Bureau des longitudes en 1878.

L. Jules DUBOSCQ (1817-1886)

Né à Villaines dans l’actuel Val-d’Oise, Jules Duboscq entre comme apprenti opticien au service du fabricant d’instruments parisien Jean-Baptiste Soleil, qui met notamment au point l’héliostat inventé par Silbermann en 1843. Duboscq succède à Soleil à la tête de l’entreprise en 1849, après avoir épousé sa fille. Il présente en 1851 un stéréoscope à l’Exposition universelle de Londres, et travaillera avec Foucault, en réalisant notamment son régulateur électro-magnétique et son héliostat. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1863, puis officier en 1886, et reçoit une médaille d’or à l’Exposition universelle de 1867. Il associe Philibert Pellin à la direction de son entreprise en 1883, et en fait son successeur à sa mort trois ans plus tard.

Étienne Antoine PUTOIS (1753-1828)

Putois est opticien à Paris. Il succède à l’opticienne veuve Marie vers 1785, à l’enseigne « Au Griffon » située quai de l’Horloge. À la même époque, il travaille avec Jean-Baptiste Grateloup (1735-1817), connu également comme peintre et graveur, à l’utilisation de la résine de térébenthine pour fixer les deux verres d’un doublet achromatique. Ce travail, présenté par Grateloup devant l’Académie des sciences en 1787, leur vaudra une récompense de l’Académie. À une date inconnue, Étienne Putois effectue un voyage à Londres afin d’étudier les procédés des opticiens anglais. Dans les années 1800, il laisse l’atelier aux mains de sa femme, Marie Putois. Stendhal mentionne « Putois, l’opticien » dans sa correspondance, et lui aurait acheté (à Étienne ou sa femme) un produit. Il candidate sans succès pour entrer au Bureau des longitudes en 1814.

Adolphe Alexandre MARTIN (1824-1896)

Né à Paris, docteur ès sciences et professeur de physique dans différentes institutions parisiennes, notamment le collège Sainte-Barbe et le lycée Saint-Louis, Martin s’intéresse à la photographie dans les années 1850, invente le procédé de ferrotypie, et produit diverses communications à l’Académie des sciences sur le sujet. Il est recruté au début des années 1860 par Foucault pour l’aider à la réalisation des miroirs en verre argentés qui font le succès de ses télescopes. Foucault lui enseigne ses secrets de fabrication, que Martin dévoilera en partie à sa mort, en 1868. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1870. Il continuera à travailler avec Secrétan et Eichens pour la fabrication des miroirs des télescopes de type Foucault après la mort de ce dernier, mais son travail se révèlera de moins bonne qualité, en particulier pour les miroirs de grande taille, mettant en difficulté la bonne livraison de télescopes commandés à Foucault avant sa mort. Martin quitte Paris pour des raisons de santé dans les années 1880 et décède à Caen.

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Texte de PATSTEC, adapté pour l'édition numérique par Thomas Chaineux